La Suisse comme lieu d'implantation d'entreprises : une croissance qualitative en profondeur
- Remo Daguati, CEO LOC AG

- il y a 2 jours
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Plus de terres, plus d'entreprises, plus de production, plus d'employés : le modèle de croissance extensive de la Suisse se heurte à une lassitude et à une opposition croissantes. Une part grandissante de la population rejette le cap actuel. Aujourd'hui plus que jamais, dans un monde marqué par une évolution technologique rapide, la mondialisation et la raréfaction des ressources, une croissance intensive et qualitative est essentielle.
Cette transformation exige un modèle économique plus durable et résilient, une croissance enracinée en profondeur. La Suisse, forte de sa tradition de précision, d’innovation et de spécialisation, doit privilégier une croissance intensive et qualitative et poursuivre une spécialisation structurelle ciblée, notamment dans les domaines où elle a de réelles chances d’atteindre l’excellence mondiale : sciences de la vie (santé, alimentation), sièges sociaux et pôles fonctionnels (fonctions, recherche et développement), automatisation/robotique (production au plus juste, technologies humanoïdes) et défense et cybersécurité (drones, centres de données d’IA).
Croissance latérale moindre
Pourquoi la Suisse doit-elle agir au lieu de se lamenter ? Les défis contemporains – vieillissement de la population, pénurie de compétences et numérisation – révèlent que la réussite économique ne repose plus sur une croissance massive, mais sur la création de valeur, la productivité, l’innovation et la spécialisation. La transformation numérique, l’automatisation et la robotique ont le potentiel d’accroître l’efficacité et la qualité du travail, et ainsi de rendre le marché du travail suisse moins dépendant de l’immigration de masse ou d’une expansion incontrôlée.
Des secteurs à plus forte valeur ajoutée
En se concentrant sur les secteurs à forte valeur ajoutée, la Suisse peut s'imposer comme un pôle d'excellence mondial. Les sciences de la vie, par exemple – santé, biotechnologies, innovation alimentaire – constituent des marchés mondiaux en pleine croissance, caractérisés par une demande croissante. La Suisse dispose déjà d'une solide expertise dans ces domaines. Mais il ne s'agit pas uniquement de production pharmaceutique : la Suisse doit également privilégier les écosystèmes axés sur la recherche et le développement, c'est-à-dire la production à forte valeur ajoutée, l'innovation et l'accès aux marchés internationaux.
Automatisation et technologies humanoïdes
Il en va de même pour l'automatisation, la robotique et surtout les technologies humanoïdes : la Suisse, malgré sa taille relativement modeste, possède un potentiel indéniable. Dans des domaines tels que l'IA, la robotique et l'automatisation, elle joue un rôle de premier plan parmi les économies nationales, mais la concurrence – notamment en Asie et aux États-Unis – est féroce. Ceux qui ne parviennent pas à se développer et à se spécialiser risquent de prendre du retard. Un investissement constant dans la robotique et l'automatisation pourrait permettre à la Suisse de garantir son autonomie technologique et sa compétitivité, en particulier dans les secteurs où la précision, la stabilité et la qualité sont essentielles. Or, comme souvent en Europe, une surréglementation de toutes les approches menace. Les livraisons de robots sont bloquées faute d'autorisations. Ce n'est pas le niveau d'exigence attendu d'une nation leader.
Hubs
Un autre axe prioritaire concerne les sièges sociaux et les pôles fonctionnels, c'est-à-dire les fonctions centrales de direction, de recherche ou de développement des entreprises internationales. Historiquement, la Suisse a toujours été un lieu attractif pour de nombreuses multinationales : infrastructures performantes, cadre politique et juridique stable, niveau de vie élevé et conditions fiscales et réglementaires avantageuses. Toutefois, ces dernières années, la Suisse a perdu du terrain : de nombreuses multinationales ont délocalisé des fonctions à l'étranger, comme les services partagés, mais aussi des centres d'excellence. Là encore, il est nécessaire de prendre des mesures proactives : par le biais de politiques d'implantation dynamiques, en favorisant la création de pôles dans les zones de développement et en proposant des incitations ciblées pour encourager les entreprises à délocaliser ou à conserver leurs unités de direction, de finance et de recherche (notamment dans le cadre de la réforme fiscale de l'OCDE). En privilégiant la qualité à l'étendue, la Suisse peut reconquérir son rôle de pôle international.
technologies de sécurité
Enfin, et surtout, la question de la défense – cybersécurité et technologies de drones/robotique – revêt une importance stratégique croissante face aux risques géopolitiques et à la montée des menaces. Un écosystème performant dans les domaines de la cybersécurité, des drones, de la robotique et de la défense numérique renforce non seulement la sécurité nationale, mais aussi la compétitivité économique de la Suisse : la demande mondiale s’accompagne de l’excellence suisse. Dans un contexte géopolitique de plus en plus instable, une expertise pointue dans ces domaines peut s’avérer cruciale, tant pour les pouvoirs publics que pour les acteurs industriels. Par ailleurs, le développement des technologies de sécurité est souvent lié à de nombreuses applications civiles. Pour que cette approche porte ses fruits, il est indispensable d’assouplir les restrictions à l’exportation obsolètes et que le gouvernement fédéral indique clairement comment il oriente ses pratiques d’acquisition vers un écosystème de défense nationale.
Une croissance plus qualitative
Un modèle à plusieurs niveaux de spécialisation qualitative dans des secteurs ciblés mais stratégiquement forts constitue, à long terme, le modèle économique le plus durable. Cela implique de passer d'une croissance extensive à une croissance intensive : une plus grande création de valeur par habitant, une densité d'innovation accrue et une plus grande profondeur technologique, au lieu d'une expansion continue des terres, des capacités et de la main-d'œuvre. La Suisse doit s'interroger sur les domaines où elle peut et souhaite être un chef de file. En conséquence, l'aménagement du territoire et des transports doit également être radicalement réorienté. Leurs processus sont actuellement caractérisés par un dogmatisme éco-social rétrograde et unilatéral qui engendre des procédures interminables et pratiquement incontestables.
nouvelles conditions-cadres
Une trajectoire de croissance qualitative exige un engagement politique et économique clair : un cadre réglementaire simplifié pour la recherche et l’innovation, un soutien ciblé aux pôles de compétitivité et aux écosystèmes, des conditions attractives pour les centres d’activité et les sièges sociaux, des systèmes de formation et de pôles dédiés aux nouvelles technologies et à l’automatisation, et la conviction que la croissance doit être qualitative et non quantitative. Les processus de planification doivent être rigoureusement simplifiés et accélérés. Dans un contexte de facteurs de localisation mondiaux dynamiques – réglementation, pénurie de compétences, pression concurrentielle, incertitude géopolitique –, cette priorité accordée à la qualité et à la spécialisation est susceptible d’être essentielle à la pérennité et à la résilience économiques de la Suisse.
Liens vers le blog :
La Suisse est lasse de la croissance et se sent aliénée d'elle-même (Thomas Fuster, NZZ, 6.12.25).
Observatoire ville-pays 2025 (Sothomo)
Humanoid Suisse : https://www.humanoid-switzerland.ch/
Blogs LOC pertinents :
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Aménagement du territoire :




